Si tous les citoyens adoptaient des comportements écologiques exemplaires, cela ne diminuerait les émissions de CO2 que de 2,8 tonnes, selon une récente étude française. C’est-à-dire… seulement un tiers de l’effort à réaliser pour respecter les engagements climatiques. Si les écogestes sont essentiels, l’attention des citoyens doit avant tout se porter sur les changements devant être réalisés par l’État et les entreprises.
Imaginez une Belgique où l’ensemble des individus a adopté des comportements exemplaires en matière d’écologie. On s’y déplace à vélo pour les courtes distances, on covoiture pour les longues. Les menus sont végétariens et on mange local. Plus personne ne prend l’avion. On achète trois fois moins de vêtements neufs. Tout l’électroménager et les appareils high-tech sont achetés d’occasion. On baisse légèrement le chauffage dans les maisons, et on utilise des ampoules Led pour s’éclairer.
Manger moins de viande
Pour beaucoup, une telle société serait ce qu’on peut faire de mieux pour lutter contre la catastrophe climatique en cours. Malheureusement, selon une étude du cabinet de conseil français « Carbone 4 »*, ce sera clairement insuffisant. Les auteurs évaluent à 2,8 tonnes par personne la baisse des émissions de CO2 que permettraient ces écogestes individuels. Cela correspond à moins d’un tiers de l’effort nécessaire pour respecter l’Accord de Paris. Fait intéressant : le passage d’un régime carné à un régime végétarien représente à lui seul la moitié de cette réduction. En effet, le secteur de la viande représente 14,5 % des émissions mondiales, et ceci s’explique en grande partie par l’alimentation des animaux (y compris la déforestation qui en découle). A côté de cela, les gestes tels que le « zéro déchet », faire le tri ou éteindre la lumière comptent peu. Si l’on veut agir individuellement pour le climat, le mieux est donc de commencer par manger moins de viande.
Un engagement collectif
Que faire dès lors pour respecter les ambitions climatiques ? Au-delà des écogestes, des investissements verts sont un deuxième pas vers une transition. En pratique, cela signifie notamment isoler les logements et changer de chaudière. Au total, les actions individuelles (sans et avec investissements) permettraient de réaliser la moitié des réductions d’émissions nécessaires. Et encore, uniquement si tout le monde s’y met ! Tout le reste doit provenir… des entreprises et des pouvoirs publics.
Selon les hypothèses qu’on prend, l’État et les entreprises devront donc réaliser entre la moitié et les trois quarts de l’effort à fournir. C’est énorme, et cela veut dire qu’il ne faut pas miser uniquement sur la responsabilité individuelle. Les écogestes sont toutefois essentiels car ils sont à la portée de chacun. Mais s’engager collectivement pour exiger des actions politiques est sans doute l’écogeste le plus porteur.
Le rôle essentiel du politique
Le rôle de l’Etat est, en effet, multiple. Il se doit tout d’abord de montrer l’exemple : rénover ses propres bâtiments et son parc de logements sociaux, ainsi que décarboner les services publics. Il s’agit, par exemple, de végétaliser les menus des cantines scolaires, des restaurants des hôpitaux et des administrations. Ensuite, l’Etat devra également modifier la fiscalité et réorienter les moyens financiers.
En premier lieu, supprimer les avantages fiscaux des voitures de société (« voitures-salaires ») et de l’aviation pour investir massivement dans l’utilisation du vélo et le développement des transports en commun. Le politique doit également réguler les entreprises pour qu’elles décarbonent leurs chaînes de production. Mais aussi sortir des accords commerciaux tels que le Ceta (et refuser de ratifier celui avec les pays du Mercosur), qui vont à l’opposé de la direction à prendre.
Enfin, refaire du secteur de l’électricité un service public, avec pour missions de mettre fin au charbon et au gaz et de réaliser la transition énergétique.
La bataille contre le changement climatique ne se gagnera pas par les seuls changements individuels. La responsabilité de l’Etat et des entreprises est majeure. Nous devons, selon les auteurs du rapport, « exiger une transformation radicale du système sans renoncer à nos propres efforts ». N’être ni des colibris, ni des autruches.
*César Dugast et Alexia Soyeux (Carbone 4), « Faire sa part ? Pouvoir et responsabilité des individus, des entreprises et de l’Etat face à l’urgence climatique », sur www.carbone4.com
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