Madame la Première ministre,
Nous sommes 6.000. Nous sommes à la fois nombreux et si peu ! Nous, personnel du CHU de Liège, avec quelque 200 catégories professionnelles différentes, chaque matin, chaque nuit, à chaque changement de pause, nous sommes là, la peur au ventre et le cœur au-dessus. Nous balayons les angoisses pourtant bien légitimes pour combattre l’ennemi invisible qui transforme presque notre métier en médecine de guerre.
La situation que nous vivons est sans précédent. Nous sommes soudainement perçus comme des héros (merci à la population pour ses encouragements), mais en réalité nous nous sentons plutôt les héros d’un crash-test géant sans disposer des armes pour y faire face.
La crise nous plonge dans l’inédit, bouscule les certitudes, fragilise les ancrages, amenuise les frontières entre vies privée et professionnelle. Le personnel s’adapte avec ce qu’il est, et malheureusement avec ce qu’il a. A l’heure où une supérette de Knokke a reçu ses 4.000 masques, le CHU de Liège n’en a toujours reçu que 1.038 des autorités fédérales. Si la solidarité qui s’exprime par les entreprises et les particuliers (MERCI !) est le ciment de notre humanité, elle ne peut se substituer aux politiques publiques.
Nous faisons depuis des années les frais de politiques peu reconnaissantes de nos métiers. Aujourd’hui, alors que notre rôle devient soudainement plus visible aux yeux du grand public et du monde politique, laissez-nous vous exprimer notre espoir, Madame la Première ministre, de ne pas être, une fois encore, les oubliés des politiques de santé publique.
Nous ne sommes pas des héros. Nous sommes juste des humains en flux tendu à la merci de restrictions budgétaires prises par les gouvernements successifs. Demain, sans un sursaut urgent, direct, concret, il n’y aura plus de soignants. Et il y aura des morts.
A pouvoirs spéciaux, mesures spéciales. Elles doivent en priorité permettre de soigner les patients et d’assurer la sécurité du personnel. Madame la Première ministre, nous vous invitons « dans les tranchées » au CHU de Liège. Pour vous rendre compte en personne. Et pour vous convaincre qu’il faut prendre des mesures d’exception.
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